Une des premières dispositions prises alors,
sera la récupération des matériaux
de l'église romane et de Saint-Pierre susceptibles
d'être remployés dans l'œuvre à
venir. Avant tout, les maîtres d'œuvre procédèrent
au mesurage de Saint-Pierre et avec l'accord du chapitre
de Saint-Germain, ils entamèrent sa démolition.
Les débuts de la construction furent financés
par les aumônes (dès 1452, le chapitre
de Sainte-Waudru obtint l'autorisation pontificale d'accorder
des indulgences à ceux qui participeraient à
l'œuvre par leurs offrandes). Les chanoinesses
elles-mêmes organisèrent des collectes
en ville, avec l'aval du Magistrat communal, et aussi
dans l'église. Plusieurs d'entre elles y allèrent
généreusement de leurs deniers personnels.
Philippe le Bon lui-même prit des dispositions
favorables à la nouvelle construction : le 6
mai 1451, il ordonna l'affectation aux travaux du chœur,
des revenus de deux prébendes de chanoines et
cela, pour une durée de douze ans. Le 19 mai
suivant, il remit à Jean Spiskin, maître
des ouvrages capitulaires, une somme de cent francs
aux mêmes fins.
Dès 1508, le chapitre lance un appel aux familles
ducale, nobles et bourgeoises riches pour obtenir en
dons des vitraux et des verrières pour le chevet;
ces chapelles sont attribuées aux confréries
religieuses et aux métiers à la condition
d'être meublées et dotées de verrières
par ceux-ci.
Un premier projet concernant des travaux au chœur
et à la trésorerie fut proposé
en février 1449 (n.s.). A ce moment, l'évêché
de Cambrai est averti de l'imminence de grands travaux
et des voyages d'investigations sont organisés
; c'est ainsi que le receveur du chapitre couvre les
frais de séjour de chanoines forains de Sainte-Waudru,
de maîtres maçons tels que Jean Huwelin,
maître maçon du comté de Hainaut,
Michel de Rains, maître maçon de la ville
de Valenciennes, Jean Le Fèvre, maître
maçon de la ville de Mons. Ces visites de grandes
églises étrangères se concrétisent
dès 1449, lorsque Michel de Rains dresse deux
plans sur parchemin pour un chœur et une trésorerie
; assisté du maître montois. Ce sont donc
les maîtres maçons des deux villes principales
du comté de Hainaut, Valenciennes et Mons, qui
ébauchent le long cheminement qui mènera
à la clôture du chantier en 1690.
Les chanoinesses, dont plusieurs assisteront à
toutes les réunions de chantier et suivront avec
attention l'évolution des travaux, se font une
idée personnelle des modes de construction ;
elles visitent des monuments qui peuvent servir de modèle
ou de source d'inspiration, notamment, en janvier 1450
(n.s.), le chœur de l'église de l'abbaye
de Bonne Espérance. Elles se déplacent
en kar dont on paie le careton (cocher) et sont accompagnées
de fonctionnaires du chapitre.
Le 31 janvier 1450 (n.s.), le bailli du chapitre reçoit
le serment, en tant que maître des ouvrages, de
Jean Spiskin pour les grands travaux à venir
; son salaire lui est liquidé en espèces
(40 lb par an) et en nature (une maison du chapitre
est mise à sa disposition ; il recevra les draps
de la grande livrée pour s'y tailler des vêtements).
Avant sa désignation, Jean Spiskin avait été
maître maçon du comté de Hainaut,
chargé notamment des fortifications de diverses
villes. Dès sa prestation de serment, accompagné
du maître charpentier Hellin de Sars et d'Henri
de Jauche (notaire et prêtre distributeur du chapitre),
Spiskin visite diverses églises qui peuvent l'inspirer
lorsqu'il dressera les plans de la nouvelle Sainte-Waudru
: Tournai, Lille, Grammont, Bruxelles, Louvain et Malines
(on notera que trois villes du duché de Brabant
y figurent). Cette excursion dura neuf jours (à
cheval), en février 1450 (n.s.).
Dès ce moment, il apparaît que le choix
se précise : une église de type brabançon
a la préférence des chanoinesses ; en
effet, une convocation est envoyée par le chapitre
à Bruxelles à Gilles Pole, maître
maçon de Brabant. Il lui est demandé de
venir à Mons " pour avoir son advis avec
aultres sur la conclusion de le devise del œuvre
" (cette visite dura quatre jours). Parmi les "
aultres ", se trouvent Mathieu de Layens, maître
maçon de Louvain (qui reste cinq jours à
Mons.
Le 1er mars 1450 (n.s.), arrivent à Mons, Gilles
Pole et Pierre, son fils, Mathieu de Layens et Gilles
Moreau d'Ecaussinnes, tailleur de pierre. Ils rencontrent
Jean Spiskin, Jean Le Fèvre, Hellin de Sars,
Pierre du Moulin, et d'autres non spécifiés.
Le lendemain, ils inspectent le terrain du futur chantier
et rendent leurs avis et réflexions par écrit.
Pendant trois jours, ces conseillers étrangers
résident à l'hôtel de l'Ange avec
leurs chevaux ; le receveur de Sainte-Waudru acquitte
leurs frais de séjour pour " feu et belle
chière ".
La venue à Mons de Mathieu de Layens et de Gilles
Moreau est significative et explique à la fois
le caractère brabançon de Sainte-Waudru
et l'usage de la pierre calcaire d'Ecaussinnes.
Si Michel de Rains a dessiné un premier avant-projet,
il semble évident que Jean Spiskin a été
influencé par ce qu'il a visité et constaté
en Brabant et qu'il a transposé dans la pierre
bleue ce qui, dans le duché, était en
grès lédien : l'aspect général,
la tonalité d'ensemble en sont tout à
fait différents, grâce à la qualité
du matériau, mais non des dimensions ni de la
conception. A Mons, la brique des voûtains se
substitue aux pierres enduites du Brabant.
(Christiane Piérard - 1992
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